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  • jeudi, septembre 06, 2007

    THE KILLING FIELDS (ROLAND JOFFÉ)

    La Déchirure, politique, one more time !
    Suite à la précédente critique sur la vie du Dernier Roi d'Ecosse, quelques notes sur un film déjà ancien, certes, La Déchirure (1985), mais qui n’a pas pris une ride, fait d’autant plus remarquable qu’il s’agit du tout premier film de Roland Joffé, coup d’essai qui n’en était donc pas moins un coup de maître.
    Est-ce dû à son passé de metteur en scène shakespearien ? Toujours est-il qu’à l’instar de nombre de grands auteurs, Joffé ne fait finalement, film après film, que creuser et recreuser sans cesse le même sillon : le combat d’un homme contre l’oppression d’une dictature (La Déchirure), d’un pays tout entier (Mission), ou encore d’une mafia bien organisée (La Cité de la Joie) – thème encore sensible de façon voilée dans le tout récent et somptueux Vatel (encore une fois, le suicide d’un homme trop seul pour résister à la pression étatique).
    Bien que ce ne soit pas explicitement précisé, le film débute visiblement autour des années 1972, date à laquelle les Khmers rouges, peu après avoir détrôné le prince Sihanouk, sont encore en butte aux forces américaines présentes dans la région (qui, bien sûr, n’ont pas oublié d’embarquer leurs denrées principales, le Johnnie Walker et le Coca Cola !) :
    La tragique histoire ici contée l’est au travers des regards croisés de deux journalistes, l’un américain, Sydney Schanberg (Sam Waterson) :
    L’autre cambodgien, Dith Pran (Haing Ngor) :
    Deux acteurs qui n’ont certes pas connu une grande carrière par la suite, en tout cas pas au cinéma, mais qui sont dans ce film proprement époustouflants de vérité et de sobriété, à tel point que l’on pourrait presque parfois se croire dans un documentaire !
    On notera également la présence d'un petit nouveau, John Malkovitch, dont c'était à l'époque le second film, dans le rôle d'un photographe alcoolique bien déjanté - assez voisin de celui de Denis Hopper dans Apocalypse Now, de six ans antérieur :
    Bref ! Le film débute au moment où, présence américaine ou pas, les rapports de force entre armée cambodgienne légale et Khmers rouges commencent à se dégrader sérieusement :
    Et là, comme d'habitude, bien sûr, les rats quittent le navire :
    Faisons ici un parallèle tout à fait justifié avec Le Dernier Roi d'Ecosse : c'est au début dans la liesse la plus absolue que les Khmers rouges font leur entrée triomphale à Phnom Penh (1975) :
    Jusqu'à ce que tout le monde s'aperçoive assez rapidement que dans l'expression Khmers rouges, c'était finalement le mot "rouge" le plus important (c'est d'ailleurs là l'occasion de remarquer que Roland Joffé n'est pas toujours dans ses films d'une sobriété exemplaire, mais bon... Parfois, il faut ça aussi pour réveiller les esprits !) :
    Conclusion atroce de cette entrée en matière, qui représente à elle seule une bonne moitié du film : la déportation, en l'espace de quelques jours à peine, de toute une population (avril 1975), envoyée au nord dans des camps de redressement et de rééducation :
    Dès ce moment, le film qui jusqu'alors narrait plutôt une histoire amicale à deux voix (sinon trois, avec John Malkovitch), va se scinder en deux parties bien distinctes : l'une, axée sur "la vie en rose" du journaliste américain qui, quoi qu'il arrive, parviendra toujours à regagner son pays via les voies diplomatiques traditionnelles...
    Et l'autre (qu'on ne peut même pas appeler "la vie en noir", tellement cela tient du cauchemar le plus absolu), axée sur le tragique destin du journaliste cambodgien, qui va tout de même finir dans les fameux camps de travail en question, malgré la tentative héroïque de John Malkovitch pour tenter de lui fabriquer de toutes pièces un passeport américain (l'une des scènes-clefs du film, je le signale d'ailleurs au passage, que ce soit pour la tension qu'elle induit ou pour la pure beauté des images) :
    Bref retour, donc, pour Sydney Schanberg, aux États-Unis, le temps d'une scène surréaliste où il est tout à fait évident que le réalisateur a bien retenu les leçons du générique fin du Docteur Folamour de Stanley Kubrick, puisqu'on y assiste à un défilé d'images toutes plus immondes les unes que les autres sur fond du grand air de ténor de Turandot :
    Après quoi, la presque totalité de la dernière moitié du film va se dérouler au Cambodge - et c'est là où vous avez tout intérêt à avoir le cœur bien accroché, car sobriété ou pas, rien de ce qui nous est donné à voir ici n'est hélas exagéré, qu'il s'agisse de l'organisation parfaitement fasciste des camps de travail :
    Ou encore (souvenons-nous que les Nazis avaient à la fin la même réflexion) du fait que comparé à la vie d'une sale intellectuelle, même le prix d'une balle est bien trop précieux, d'où cette façon bien plus expéditive de procéder :
    Encore qu'il y ait deux écoles à ce sujet, et que je serais même pour ma part plutôt partisan de la seconde, selon laquelle, de même que la musique, l'humour reste le dernier et ultime rempart contre la barbarie... Sinon, j'arrête tout de suite d'écrire cet article, vu qu'il y a certaines choses que l'esprit humain ne s'avère plus capable de supporter, s'il n'a pas au moins une petite soupape de sécurité.
    Bref, bon an mal an, Dith Pran parvient finalement à déjouer la vigilance de ses gardes - au gré d'une scène encore une fois directement inspirée d'Apocalypse Now :
    Mais ce n'est que pour tomber de Charybde en Scylla, au gré de la scène de très loin la plus traumatisante du film, celle où il s'embourbe dans les monstrueux charniers entourant le camp :
    Bon. Vu qu'il ne s'agit ni d'un thriller, ni d'un film à suspense, peu importe de dévoiler le happy end, grâce à un Khmer rouge pas vraiment très sûr de la justesse de l'idéologie de ses comparses :
    Le plus troublant, dans l'histoire, reste encore pour moi cette sorte d'extraordinaire magnanimité de la part de Dith Pran, presque inenvisageable après tout ce qu'il a vécu :
    Car il faut tout de même signaler, cas pratiquement unique dans toute l'histoire, qu'il s'agit de l'une des seules dictatures à avoir systématiquement éliminé toutes ses élites : instituteurs, médecins, professeurs, traducteurs, etc... ce que même les Nazis n'avaient jamais osé entreprendre à une telle ampleur.
    En résumé : un film non seulement très instructif d'un point de vue documentaire, mais aussi un film poignant dans son interprétation, et absolument parfait dans sa réalisation, d'une grande beauté plastique malgré la dureté de certaines images...
    Autres films du même réalisateur : Mission

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